Texte : Dominique Homs
Photos : Jo Pesendorfer
Pastel, Pays de Cocagne… des mots colorés qui nous rappellent que le Sud-Ouest et Toulouse sont bien le berceau de ce bleu unique et si envoûtant ! Si les Égyptiens teintaient de bleu pastel
les bandelettes pour envelopper les momies, c’est à la Renaissance que l’Occitanie s’impose en Europe dans le commerce de ce bleu. Les cocagnes étaient des boules séchées de pigments qui se gardaient ainsi plus longtemps et pouvaient être exportées. Les siècles et l’arrivée d’Inde de l’Indigo ont raison du pastel. Napoléon 1er en relance son usage en faisant utiliser le bleu pastel pour les costumes de tous les soldats de l’Empire. L’arrivée des colorants de synthèse au XXe siècle font bien vite oublier toutes ces teintures naturelles.
Le renouveau
C’est sans compter sur la persévérance d’un certain Henri Lambert qui en 1994 fonde le Bleu de Lectoure. Il devient au fil des années une référence incontournable dans le monde de la teinture naturelle au pastel des teinturiers (Isatis Tinctora). Cécile Gex, qui en apprend toutes les techniques à ses côtés, reprend en 2016 les rênes de la manufacture. Elle s’associe à Jean Marie Neels, agriculteur depuis plus de quarante ans qui cultive en Bio la précieuse plante crucifère de la famille des choux ou encore de la moutarde…
Une technique très artisanale et naturelle
C’est dans l’ancienne gare de Lectoure que l’alchimie prend vie.
Les feuilles qui arrivent directement des champs voisins sont mises à macérer dans de l’eau. L’eau est battue régulièrement et au bout d’une demi-heure (selon les températures ambiantes) les bulles deviennent bleues. Cécile rajoute alors du lait de chaux et les milliers de bulles se regroupent en points bleus, laissant déjà apparaitre le pigment. Elle cesse alors ses mouvements sur le liquide et laisse précipiter plusieurs heures. Quand la couleur touche le fond, elle filtre le tout et obtient un pigment en pâte. Pour la petite anecdote, il faut savoir que pour obtenir 2 kg de pigment, que l’on appelle aussi “l’or bleu”, il ne faut pas moins d’une tonne de feuilles ! Reste que ce pigment n’est pas soluble et que Cécile doit encore se lancer dans de nouvelles manipulations. Elle ajoute à cette pâte du sirop de dattes (du fructose) et une décoction de henné et de chaux qui en réduisant l’oxygène précipite
la dissolution. Dans les cuves bleuies, les tissus (coton, lin, laine, soie…) prêts à accueillir la couleur sont trempés dans ce mélange qui étonnamment donne aux textiles des nuances de vert jaune. C’est au contact de l’oxygène que ce bleu magique se révèle ! L’opération sera renouvelée 3 fois pour atteindre le résultat tant espéré !
Du vêtement à la décoration
Cécile, si elle maitrise parfaitement la technique, a fait ses études dans une école de design textile à Lyon. Cette passionnée du Bleu de Lectoure s’associe à des créateurs afin d’imaginer des modèles de vêtements pour petits et grands. Côté déco, même histoire ! Coussins, jetés de lit, plaids, nappes, peintures, autant d’éléments décoratifs qui grâce à ce bleu unique occupent dans la maison une place de choix. Douceur, élégance, originalité et naturel sont les maîtres-mots de ce très bel artisanat.
À noter que les ateliers teignent aussi à la demande.
Bleu de Lectoure
15 avenue de la Gare
32700 Lectoure
Tél: +33 5 62 28 14 93
bleu-de-lectoure.fr