Texte : Isabelle Aubailly
Les mille et une vies de la bâtisse, les pierres et les lauzes de la région ont façonné la beauté de ce moulin devenu hôtellerie de charme. Emilie et Thomas, les propriétaires et chefs, ont écrit une nouvelle page. Joignant l’authenticité à la lumière, le blanc au terracotta, ils projettent le moulin dans une douce apesanteur.
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Le moulin de Cambelong, tel est le nom que portait cette bâtisse perdue aux pieds de la rivière, à quelques pas de Conques.
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En fin de journée la route sinueuse dévoile les premiers bourgeons, les premières teintes vives de floraison. Les villages qui bordent notre route avec leurs lourdes pierres rouges racontent la sincèrité de l’Aveyron. Bientôt nous empruntons le chemin qui descend vers le Moulin de Cambelong. Le bruit de l’eau est presque assourdissant dans le jour qui descend.
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La tour du moulin date du XVIIIe siècle, c’était un des 3 moulins à farine de la région. Exploité par la suite en hôtellerie, le moulin a subi un incendie il y a une quarantaine d’années. Rénové avec tous les éléments authentiques des constructions, il a même été agrandi afin d’offrir une large pièce ouverte sur la nature. À ses pieds court le Dourdou, le cours d’eau qui aujourd’hui rebondit sur les cailloux et dont le débit est impressionnant. Les eaux en général claires et poisonneuses sont ici rouge ocre après les pluies diluviennes des jours précédents. Dans quelques semaines, la petite plage de sable sera installée avec des transats.
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La voiture garée, on remonte à pied le long du cours d’eau et du jardin, une large terrasse habillée de banquettes et fauteuils colorés prend déjà le soleil. Les pierres des murs et les lauzes du toit miroitent sous les derniers rayons. On pousse la porte d’entrée pour découvrir poutres et bibliothèque de bois. Le petit salon-cheminée face à la terrasse offre un lieu d’apaisement et de réconfort. Un contraste inspirant avec l’extérieur qui ouvre les perspectives de cette véritable métamorphose amorcée par les propriétaires précédents.
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Emilie et Thomas ont eu un coup de cœur en 2023 quand ils ont découvert le moulin et son environnement. En 2024 ils gagnent déjà leur première étoile Michelin et ce début d’année ils décident de rénover les neuf chambres.
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Guidés par une architecte d’intérieur, ils terminent le travail eux-mêmes avec le maître d’œuvre en définissant 3 points forts et structurants : lumière, mouvement et modernité. L’ensemble doit se fondre dans le respect des marqueurs d’origine, sans malmener les racines du lieu. « Les couloirs, les pans de murs des chambres étaient très sombres, laissaient peu de place aux échappées visuelles » raconte Emilie en nous invitant à découvrir les différentes chambres. « Nous avons chassé l’austérité en privilégiant des matériaux au sol et sur les murs de couleur très claire ». Confort et minimalisme, douceur et radicalité, passé et modernité, ombre et lumière, façonnent l’esprit du lieu. Emilie cultive le supplément d’âme au féminin, transformant les chambres en cocon apaisant aux couleurs douces, beige, bleu glacier, terracotta. Nos deux sacs en cuir beige posés sur le banc de lit nous admirons de notre charmante terrasse, la rivière. La nuit tombe, l’air se raffraîchit et le Dourdou s’écoule tel un torrent.
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Une cuisine étoilée à 4 mains, d’excellence et de partage…
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Il est l’heure de retrouver notre table pour le dîner gastronomique d’Emilie et Thomas.
La salle à manger totalement vitrée est à la nuit, voilée de rideaux blancs, et laisse entrevoir la nature. Le sommelier nous apporte deux coupes de pétillant au sirop de coquelicot et sureau maison. Le maître d’hôtel nous propose de faire confiance aux chefs et de découvrir ce soir un menu surprise. Refusant les plats signatures, l’équipe préfère surprendre les clients avec des créations qui évoluent constamment, inspirées par le moment, les saisons et les échanges.
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Émilie, originaire de l’Aveyron, et Thomas, formé en Haute-Savoie, ont acquis une solide expérience en travaillant dans des établissements prestigieux avant de s’associer pour ouvrir
leur propre restaurant. Après le lancement de leur table
gastronomique à Rodez en 2015, ils ont transformé « Le parfum des délices » en « E&T » et, en 2023, ont déménagé au Moulin de Cambelong. Leur travail acharné a été couronné en 2024 par une étoile Michelin, un hommage à leur engagement et à leur équipe.
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Les amuses-bouche salés ouvrent le bal, un voyage entre des saveurs franches et des textures très différentes, la tartelette au cèleri, la truite fumée à l’oseille…
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Épinard, piste de moules, mimosa et English-muffin, Cébette, façon pissalardière, câpre. Les produits sont mis en avant, les goûts sont exacerbés par les accompagnements. On aime le travail autour des légumes de saison, préparés à la perfection. Un verre de blanc « Ongrie » domaine Alain Voge 2022 accompagne parfaitement les saveurs iodées et les légumineuses.
La lotte pochée, choux-fleur et mousseline au sésame est notre plat préféré, la cuisson est juste idéale et la mousseline s’envole dans notre palais pour parfaire les goûts.
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L’assiette de chou-rave, chou-kale, noisette et confit au campari permet de découvrir ou redécouvrir la délicatesse des choux en bouche. La canette de Fadiols accompagnée de betterave et carotte-Verjus surprend, enchante et ravive nos papilles.
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Claudia Del Frate : une pâtisserie nature et audacieuse
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Nous picorons quelques bouts de fromages…le festin est certain, la joie se lit dans nos yeux. Le maître d’hôtel annonce « Pour le final on a prévu un Grand Dessert » une sorte d’apothéose d’instants délicieux où fumets et saveurs se tiennent la main.
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Dans 4 charmantes assiettes le dessert s’expose, se regarde et se déguste : agrumes poivrés, meringue et hibiscus ; poire au safran et miel ; jeu de textures autour des chocolats ; sorbet au coriandre sucré, très audacieux et délicieux. C’est l’œuvre de la cheffe pâtissière, Claudia Del Frate, qui a grandi en Toscane, entourée de l’amour et de la passion pour la cuisine transmis par ses grands-mères. Formée à l’école hôtelière en Italie, puis diplômée d’un master universitaire de cuisine, Claudia a affiné son savoir-faire en France.
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Au Moulin de Cambelong, Claudia Del Frate élabore, inspirée par les herbes et plantes sauvages, propose une pâtisserie équilibrée et profondément ancrée dans la nature. Sa créativité la pousse à travailler des légumes en dessert, osant des associations audacieuses comme le potimarron, le fenouil, ou encore le poivron rouge marié à la framboise.
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Surpris, heureux par cette aventure culinaire, nous retrouvons avec bonheur notre jolie chambre située dans la tour du Moulin.
Les lourds rideaux sont tirés, il est l’heure de réfléchir à tous ces
joyeux moments gastronomiques.
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Une matinée à Conques
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De la brume au-dessus des collines, le soleil se cache, nous descendons déguster notre premier café. Des produits frais de saison, compote vanillée, yaourts et viennoiseries maison.
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Sur les conseils d’Émilie, nous grimpons derrière le Moulin jusqu’au belvédère du Bancarel pour découvrir la vue incroyable sur Conques. Elle permet d’embrasser l’intégralité de la cité médiévale et de comprendre le site en forme de « conque » (du latin concha, coquille, en occitan conca) qu’avait choisi l’ermite Dadon pour se retirer du monde au VIIIe siècle. Le village de Conques classé parmi les Plus Beaux Villages de France, se niche dans un cadre naturel préservé. Autour des maisons à colombages, le village est une référence en architecture romane et art contemporain : l’abbatiale Sainte-Foy des XIe et XIIe siècles, ses 250 chapiteaux, ses vitraux contemporains de Pierre Soulages et son tympan aux 124 personnages sculptés dans la représentation du Jugement Dernier, mais aussi le Trésor, celui de Sainte-Foy, reliquaire recouvert d’or et de pierres précieuses…
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Conques, au rayonnement spirituel et artistique mondial, est également une étape majeure sur le Chemin de Compostelle.
Après le belvédère on suit un sentier qui descend dans la forêt et rejoint les premières maisons de Conques. On entre par la porte de fer qui mène aux contreforts de l’Abbaye.
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Le soleil est là, il donne à la pierre un éclat unique et il dévoile les formes géométriques des vitraux de Monsieur Soulages. La modernité des traits du peintre met en exergue l’architecture romane très pure de l’ensemble. Sur la place face au tympan, un charmant café a sorti ses tables. On s’assied pour assister au spectacle de tant de beautés. On peut découvrir les personnages sculptés sur le tympan et s’amuser des représentations grotesques parfois des personnes, une bande dessinée moyennâgeuse. La messe est finie, les cloches sonnent et nous pouvons entrer pour déambuler au cœur de l’Abbaye et profiter des rayons du soleil qui heurtent les vitraux et déposent leurs poussières d’étoiles sur la pierre. Moment enchanteur, silence joyeux des éléments et beauté de l’architecture.
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Nous redescendons le long des ruelles, les premières pensées fleurissent dans les jardinières, les volets de bois arborent des couleurs joyeuses, du grenat, du bleu ciel, du vert d’eau. On s’arrête quelques instants à la Chapelle Saint-Roch, on jette un dernier coup d’œil vers les murs à colombages de Conques et on continue le chemin vers le bas du village. Bien vite, nous rejoignons la route du Moulin, le soleil offre un air printanier à la bâtisse et le chant du cours d’eau accompagne celui des premiers oiseaux.
Notre table du déjeuner est dressée dans le Bistrot, à quelques marches du restaurant gastronomique. Emilie a choisi des luminaires poétiques, des tableaux aux couleurs douces pour habiller la pierre ocre des murs intérieurs. On entend des rires, des assiettes qui s’entrechoquent, des verres qui se rapprochent, c’est jour de fête, d’anniversaire.
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Carpaccio de poulpe, onglet de veau, les produits sont juste exceptionnels, les épices enchantent et les assiettes sont belles. Le bistrot a fière allure, on y reviendra.
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La route est encore longue, nous quittons Le Moulin, son cadre enchanteur, Emilie&Thomas. Ce lieu exceptionnel permet aux Chefs de proposer une expérience qui dépasse la gastronomie, c’est un pur moment de bien-être, face à l’eau qui court, à quelques pas de Conques.
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Le Moulin de Cambelong
12320 Conques-en-Rouergue
Tel : +33 5 65 72 84 77
contact@moulindecambelong.com
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www.moulindecambelong.com